dimanche 11 décembre 2016

Sur une grande route, il n'est pas rare de voir une vague, une vague toute seule, une vague à part de l'océan...

Peintre et poète, Henri Michaux (1899-1984) a publié en 1941 un recueil de textes "Au pays de la magie" (réédité en 1986 dans la collection Poésie Gallimard). En voici un extrait dans lequel je vois bien plus que ce qu'il raconte et qui est déjà considérable. Mais c'est impossible d'en dire davantage sans avoir au moins 15 pages pour s'expliquer. Ce sera donc à chaque lecteur de se faire son idée.


Une journée en soi existe et la précédente existe et celle qui précède la précédente, et celle de'avant... et elles sont bien agglutinées, des dizaines ensemble, des trentaines, des années entières, et on n'arrive pas à vivre, soi, mais seulement à vivre la vie, et l'on est tout étonné.

L'homme du pays de la Magie sait bien cela. Il sait que la journée existe et très forte, très soudée, et qu'il doit faire ce que la journée ne tient pas à faire.

Il cherche donc à sortir sa journée du mois. C'est l'attraper qui est difficile. Et ce n'est pas le matin qu'on y arriverait. Mais vers deux heures de l'après-midi, il commence à la faire bouger, vers deux heures, elle bascule, elle bascule ; là, il faut être tout à son affaire, peser, tenir, lâcher, décharger, convoyer par-dessus.

Enfin il la détourne, la chevauche. Il s'en rend maître.

Et vite à l'important, vite, obligé qu'il sera - hélas! - à abandonner la journée à l'enclenchement des suivantes au plus tard vers minuit. Mais que faire ? C'est là le tribut à l'existence animale.

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