dimanche 25 décembre 2016

Humeur pacifique de Noël

La Baghavad-Gîtâ est un texte généralement daté du 2ème siècle avant JC. Il s'agit d'un dialogue entre Krishna, Seigneur de la Consécration, et Arjuna, Prince des Indes. Pour Noël, je vous souhaite à tous de devenir Bienheureuses ou Bienheureux, ce qui suppose, selon  ce qu'indique le chapitre XVI :



1  « Le  courage,  la  purification de  l’âme,  la  persévérance  dans  l’Union mystique de la science, la libéralité, la tempérance, la piété, la méditation, l’austérité, la droiture ;
  
2 L’humeur  pacifique,  la  véracité,  la  douceur,  le  renoncement,  le  calme intérieur, la bienveillance, la pitié pour les êtres vivants, la paix du cœur, la mansuétude, la pudeur, la gravité ;

3  La force, la patience, la fermeté, la pureté, l’éloignement des offenses,  la  modestie  :  telles  sont,  ô  Bhârata,  les  vertus  de  celui  qui  est  né dans une condition divine.



Personnellement, je pense que ça va être dur. Mais pour celles et ceux qui auront la sagesse de persévérer, voici ce qui les attend avec les paroles qui concluent la Bhagavad-Gîtâ (fin du XVIIIème et dernier chapitre) :



74      «  Ainsi,  tandis  que  parlaient  Vâsudêva  et  le  magnanime  fils  de  Prithâ, j’écoutais la conversation sublime qui fait dresser la chevelure. 

75      Depuis  que,  par  la  grâce  de  Vyâsa,  j’ai  entendu  ce  Mystère  suprême  de  l’Union  mystique  exposé  par  le  Maître  de  l’Union  lui-même, par Krishna : 

76    O mon roi, je me rappelle, je me rappelle sans cesse ce sublime, ce  saint  dialogue  d’Arjuna  et  du  guerrier  chevelu,  et  je  suis  dans  la  joie toujours, toujours. 

77    Et quand je pense, quand je pense encore à cette forme surnaturelle de Hari, je demeure stupéfait et ma joie n’a plus de fin. 

78    Là où est le Maître de l’Union, Krishna, là où est l’archer fils de Prithâ,    aussi  est  le  bonheur,  la  victoire,  le  salut,    est  la  stabilité  :  telle est ma pensée. »
 

dimanche 18 décembre 2016

Et vous applaudissez, admirez son effort

Voici un texte écrit et chanté par Gianni Esposito (1930-1974). C'est un ami de longue date et l'un des auteurs présents dans mon blog,Jo Conas qui me l'a remis en mémoire. Merci à lui. A dire vrai, je pense que je ne pourrai jamais être ami avec quelqu'un qui me dirait que cette chanson le ou la laisse de marbre. Je suis sûr que cette chanson plaisait à Jean Claude L., ce qui me donne l'occasion de rappeler qu'il nous a quittés il y a maintenant trois ans.


Le clown

S'accompagnant d'un doigt ou quelques doigts, le clown se meurt
S'accompagnant d'un doigt ou quelques doigts, le clown se meurt
Sur un petit violon et pour quelques spectateurs
Sur un petit violon et pour quelques spectateurs.

Ma chè n'ha fatto de male, sta povera creatura
Ma chè c'iavete da ridere e portaije iettatura!

D'une petite voix comme il n'en avait jamais eue
D'une petite voix comme il n'en avait jamais eue
Il parle de l'amour, de la joie sans être cru.

Se voi non comprendete, si vous ne comprenez pas
Se voi non comprendete, si vous ne comprenez pas
Almeno non ridete, au moins ne riez pas!
Almeno non ridete, au moins ne riez pas!

Ouvrez donc les lumières puisque le clown est mort
Ouvrez donc les lumières puisque le clown est mort
Et vous applaudissez, admirez son effort
Et vous applaudissez, admirez son effort.

dimanche 11 décembre 2016

Sur une grande route, il n'est pas rare de voir une vague, une vague toute seule, une vague à part de l'océan...

Peintre et poète, Henri Michaux (1899-1984) a publié en 1941 un recueil de textes "Au pays de la magie" (réédité en 1986 dans la collection Poésie Gallimard). En voici un extrait dans lequel je vois bien plus que ce qu'il raconte et qui est déjà considérable. Mais c'est impossible d'en dire davantage sans avoir au moins 15 pages pour s'expliquer. Ce sera donc à chaque lecteur de se faire son idée.


Une journée en soi existe et la précédente existe et celle qui précède la précédente, et celle de'avant... et elles sont bien agglutinées, des dizaines ensemble, des trentaines, des années entières, et on n'arrive pas à vivre, soi, mais seulement à vivre la vie, et l'on est tout étonné.

L'homme du pays de la Magie sait bien cela. Il sait que la journée existe et très forte, très soudée, et qu'il doit faire ce que la journée ne tient pas à faire.

Il cherche donc à sortir sa journée du mois. C'est l'attraper qui est difficile. Et ce n'est pas le matin qu'on y arriverait. Mais vers deux heures de l'après-midi, il commence à la faire bouger, vers deux heures, elle bascule, elle bascule ; là, il faut être tout à son affaire, peser, tenir, lâcher, décharger, convoyer par-dessus.

Enfin il la détourne, la chevauche. Il s'en rend maître.

Et vite à l'important, vite, obligé qu'il sera - hélas! - à abandonner la journée à l'enclenchement des suivantes au plus tard vers minuit. Mais que faire ? C'est là le tribut à l'existence animale.

dimanche 4 décembre 2016

La connaissez-vous ?

Rubén Darío (1867-1916), de son vrai nom Félix Rubén García Sarmiento, est un poète né au Nicaragua et qui, après ses études, a quitté l'Amérique centrale pour celle du sud. C'est un poète qui a marqué par la pureté de sa langue, par ses exigences formelles. On peut voir sa biographie (en espagnol) ICI. Le poème ci-dessous en témoigne tant dans sa version originale en espagnol que par la traduction en français qu'en a faite Jean-Luc Lacarrière. C'est un des premiers poèmes de Rubén Darío, écrit avant l'âge de 19 ans.

Elle

La connaissez-vous ? C'est une fleur enchanteresse
que baigne la lumière naissante du jour ;
elle a volé son teint à l'aurore
et mon âme la vêt de poésie.

Elle vit dans mon esprit solitaire,
je la vois dans les étoiles du soir.
Elle est l'ange qui porte ma prière
quand le soleil brille à peine au coucher.

Son haleine parfumée je respire
dans le calice blanc des fleurs,
je la vois poindre à l'est dans la lueur du jour
et où que du regard je la suive j'en délire.

La connaissez-vous ? C'est la vie de ma vie,
la fibre la plus sonore de mon cœur ;
elle est le parfum de mon âge fleuri ;
ma lumière, mon avenir, ma foi, mon aurore.

Que ne ferais-je pas pour elle! Je l'adore,
comme le lys aime l'onde cristalline ;
elle est mon espérance, elle est mon pleur,
ma jeunesse et mon illusion divine.

Je garde son amour comme le rêve saint
de ma vie solitaire endeuillée,
et lui consacre mon chant mystérieux
telle une complainte d'illusion perdue.


Ella

¿La conocéis? Es flor encantadora
que baña el rayo del naciente día
ella robó sus tintes a la aurora
y mi alma la viste de poesía.


Ella vive en mi mente solitaria,
la veo en las estrellas de la tarde.
Es el ángel que lleva mi plegaria
cuando el sol en ocaso apenas arde.


En los cálices blancos de las flores
su aliento perfumado yo respiro
la veo del oriente en los albores,
y doquiera mirándola deliro.


¿La conocéis? Es vida de mi vida,
del corazón la fibra más sonora;
ella, el perfime de mi edad florida;
mi luz, mi porvenir, mi fe, mi aurora.


¡Que no hiciera por ella! Yo la adoro,
como el lirio a la ninfa cristalina;
es ella mi esperanza, ella mi lloro,
mi juventud y mi ilusión divina.


Guardo su amor como el ensueño santo
de mi enlutada solitaria vida,
y le consagro misterioso canto
cual triste endecha de ilusión perdida.


Rubén Darío, Parcours poétique (1880-1916), traduit de l'espagnol (Nicaragua) par Jean-Luc Lacarrière, Orphée, éd. La Différence, 2012