dimanche 10 janvier 2016

Je vois tout de mon petit mur

Ce poème est de René Char, poète et résistant français (1907-1988). Il est une sorte de parrain de ce blog puisque l'exergue lui est réservée.
Il s'agit ici d'un des deux poèmes écrit par lui pour être le texte d'une cantate composée par Pierre Boulez pour soprano, chœur et orchestre : "Le soleil des eaux". La musique date de 1947, mais Boulez l'a révisée plusieurs fois.
Une toute autre mise en musique est l’œuvre de Julos Beaucarne dans son album "Musiques du monde", paru en 2003.
Si René Char peut paraître un peu "hermétique", ce n'est pas le cas dans ce poème. Boulez, en revanche... Mais il nous a quitté et l'heure est aux hommages.

Elizabeth Atherton (soprano), BBC Singers, BBC Symphony Chorus, BBC Symphony Orchestra, Pierre Boulez (conductor) - Barbican Hall, London, 4th November 2005

La complainte du lézard amoureux

N'égraine pas le tournesol,
Tes cyprès auraient de la peine,
Chardonneret, reprends ton vol
Et reviens à ton nid de laine.
Tu n'es pas un caillou du ciel
Pour que le vent te tienne quitte.
Oiseau rural ; l'arc-en-ciel
S'unifie dans la marguerite.
L'homme fusille, cache-toi;
Le tournesol est son complice.
Seules les herbes sont pour toi,
Les herbes des champs qui se plissent.
Le serpent ne te connaît pas.
Et la sauterelle est bougonne;
La taupe, elle, n'y voit pas;
Le papillon ne hait personne.
Il est midi, chardonneret.
Attarde-toi, va, sans danger :
L'homme est rentré dans sa famille!
L'écho de ce pays est sûr.
J'observe, je suis bon prophète;
Je vois tout de mon petit mur,
Même tituber la chouette.
Qui, mieux qu'un lézard amoureux,
Peut dire les secrets terrestres? Ô léger gentil roi des cieux.
Que n'as-tu ton nid dans ma pierre!

Le soleil des eaux, éd. Gallimard.

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