Nous sommes tous sous le choc, immensément tristes pour toutes les victimes et leurs familles, et plus que jamais attentifs à notre devise de "fraternité".
Aragon nous a légué cette transfiguration du malheur.
J’ai rêvé d’un pays, c’était dans une autre vie.
Aragon nous a légué cette transfiguration du malheur.
J’ai rêvé d’un pays, c’était dans une autre vie.
J’ai rêvé d’un pays où il
avait fait grand vent, c’était dans un autre monde.
J’ai rêvé d’un pays où le
malheur était devenu si fort, si grand, si noir et c’était comme un arbre
immense entre le soleil et les gens,
et c’était à la fin d’une
guerre et les champs étaient obscurs de vautours et l’air empuanti d’hommes et
de chevaux morts.
J’ai rêvé d’un pays où les
enfants et les femmes aidèrent les bûcherons à abattre le malheur.
J’y ai rêvé une fois, j’y ai
rêvé une seconde et toutes les nuits de ma jeunesse et toutes les nuits de mon
corps mûr.
Je n’ai plus eu jamais autre
songe, autre musique, autre tête tournée.
J’entrais dans ce pays où l’œil
se ferme et les gens étaient las du travail d’un long jour…….
J’y ai rêvé une fois, j’y ai
rêvé une seconde et je n’ai plus compté combien de fois, combien de fois
le désordre des choses
renversées, tout le pays couvert de branches brisées et tout le peuple devait à
la fois faire bûcher du bois mort et se défendre contre les bêtes sorties de
leur bauge, la peste, l’incendie, les pillards accourus sur des bateaux
étrangers, la famine ...
J’ai rêvé d’un pays qui avait mis au monde un enfant infirme appelé l’avenir. J’ai rêvé d’un pays où toute chose de souffrance avait droit à la cicatrice,
J’ai rêvé d’un pays qui avait mis au monde un enfant infirme appelé l’avenir. J’ai rêvé d’un pays où toute chose de souffrance avait droit à la cicatrice,
un pays qui riait comme le
soleil à travers la pluie et se refaisait, avec des bouts de bois, le bonheur
d’une chaise, avec des mots merveilleux, la dignité de vivre, un pays de fond
en comble.
Et comme il était riche
d’être pauvre
et comme ils trouvaient
pauvres les gens d’ailleurs couverts d’argent et d’or. C’était le temps où je
parcourais cette apocalypse à l’envers et tout manquait à l’existence.
Ah, qui dira le prix d’un
clou.
Mais c’étaient les chantiers
de ce qui va venir, et qu’au rabot les copeaux étaient blancs et douce au pied
la boue et plus forte que le vent la chanson d’homme à la lèvre gercée !
J’ai rêvé d’un pays tout le long de ma vie, un pays qui ressemble à la douceur d’aimer, à l’amère douceur d’aimer…
Louis Aragon, La mise à mort
J’ai rêvé d’un pays tout le long de ma vie, un pays qui ressemble à la douceur d’aimer, à l’amère douceur d’aimer…
Louis Aragon, La mise à mort
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