Quand le lion est mort, les lièvres ne craignent pas de l'insulter. Les braves gens n'entendent point raillerie. Quand on ne résiste pas la première fois, on résiste encore moins la seconde, et c'est toujours de pis en pis. Car la même difficulté, qui se pouvait surmonter au commencement, est plus grande à la fin. La vigueur de l'esprit surpasse celle du corps, il la faut toujours tenir prête, ainsi que l'épée, pour s'en servir dans l'occasion ; c'est par où l'on se fait respecter. Plusieurs ont eu d'éminentes qualités qui, faute d'avoir du cœur, ont passé pour morts, ayant toujours vécu ensevelis dans l'obscurité de leur abandonnement. Ce n'est pas sans raison que la Nature a joint dans les abeilles le miel et l'aiguillon, et pareillement les nerfs et les os dans le corps humain. Il faut donc que l'esprit ait aussi quelque mélange de douceur et de fermeté.
Balthasar Gracian, L'Homme de cour, précédé d'un essai de Marc Fumaroli, édition de Sylvia Roubaud, Folio classique, 2010, Maxime LIV.
Al León
muerto, hasta las liebres le repelan. No ai burlas con el valor : si cede al
primero, también avrá de ceder al segundo, y deste modo hasta el último. La misma dificultad avrá de vencer tarde, que
valiera más desde luego. El brío del ánimo excede al del cuerpo: es como la
espada, ha de ir siempre envainado en su cordura, para la ocasión. Es el
resguardo de la persona: más daña el descaecimiento del ánimo que el del
cuerpo. Tuvieron muchos prendas eminentes, que por faltarles este aliento del coraçón, parecieron muertos y acabaron sepultados
en su dexamiento, que no sin providencia juntó la naturaleza acudida la dulçura
de la miel con lo picante del aguijón en la aveja. Nervios y güessos ai en el
cuerpo: no sea el ánimo todo blandura.
Balthasar Gracian, Oraculo manual y arte de la prudencia : http://fgae.net/portal/images/stories/pdf/GBOmp.pdf
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