dimanche 29 juin 2014

Pablo Neruda, Canto General, La United Fruit Co

Cuando sonó la trompeta
estuvo todo preparado en la tierra
y Jehova repartió el mundo
a Coca Cola Inc Anaconda
Ford Motors y otras entidades.
La Compañía Frutera Inc
se reservo lo más jugoso
la costa central de mi tierra,
la dulce cintura de América
Bautizó de nuevo sus tierras
como « Republicas Bananas »
y sobre los muertos dormidos
sobre los héroes inquietos
que conquistaron la grandeza
la libertad y las banderas
estableció la ópera bufa :
enajenó los albedríos
regaló coronas de César
desenvainó la envidia,
atrajo la dictadura de las moscas.
moscas Trujillo, moscas Tachos,
moscas Carías, moscas Martínez,
moscas Ubico, Moscas hámedas
de sangre humilde y mermelada
moscas borrachas que zumban
sobre las tumbas populares
moscas de circo, sabias moscas
entendidas en tiranía.

Antonio Berni, Manifestation, 1934 (détail)         









Entre las moscas sanguinarias
la Frutera desembarca,
arrasando el café y las frutas
en sus barcos que deslizaron
como bandejas el tesoro
de nuestras tierras sumergidas

Mientras tanto por los abismos
azucarados de los puertos
caían indios sepultados
en el vapor de la mañana :
un cuerpo, rueda, una cosa
sin nombre, un námero caido
un racimo de fruta muerta
derramada en el pudridero.

Lorsque la trompette sonna
tout était déjà prêt sur terre.
Jehovah répartit le monde
entre Coca-Cola, Anaconda,
Ford motors, et autres cartels.
La Compañía Frutera
se réserva le plus juteux,
le Centre côtier de ma terre,
la douce hanche américaine.
Elle rebaptisa ses terres
en « Républiques Bananières»,
et sur les morts en leur sommeil,
sur les héros plein d'inquiétude
qui avaient conquis la grandeur,
la liberté et les drapeaux,
elle instaura l'opéra bouffe :
elle aliéna l'initiative,
offrit des trônes de Césars,
dégaina l'envie, attira
la dictature des diptères,
mouches Trujillo et Tachos,
mouches Carias et Martinez,
mouches Ubico, mouches humides
d'humble sang et de confiture,
mouches soûlardes qui bourdonnent
sur les tombes du peuple, mouches
de chapiteau, mouches savantes,
mouches expertes en tyrannie.

Parmi les mouches sanguinaires
la Frutera jette son ancre,
amoncelant fruits et café
dans ses bateaux qui glissent tels
des plateaux portant le trésor
de nos campagnes submergées.

Antonio Berni, Manifestation, 1934 (détail)







Pendant ce temps, dans les abîmes
sucrés des ports,
des Indiens tombaient enterrés
dans la vapeur du petit jour :
un corps qui roule, un petit rien
sans nom, un numéro à terre,
une grappe de fruit sans vie
répandue dans le pourrissoir.

Trad. Claude Couffon : http://lescheminsdelavoix.free.fr/cantogeneral.html

dimanche 22 juin 2014

Miguel Hernandez, Andaluces de Jaën




Andaluces de Jaén,
aceituneros altivos,
decidme en el alma: ¿quién,
quién levantó los olivos?
No los levantó la nada,
ni el dinero, ni el señor,
sino la tierra callada,
el trabajo y el sudor.
 Unidos al agua pura y a los planetas unidos,
los tres dieron la hermosura
de los troncos retorcidos.
Levántate, olivo cano,
dijeron al pie del viento.
Y el olivo alzó una mano
poderosa de cimiento.
Andaluces de Jaén,
aceituneros altivos,
decidme en el alma: ¿quién
amamantó los olivos?
Vuestra sangre, vuestra vida,
no la del explotador
que se enriqueció en la herida
generosa del sudor.
No la del terrateniente
que os sepultó en la pobreza,
que os pisoteó la frente,
que os redujo la cabeza.
Árboles que vuestro afán
consagró al centro del día
eran principio de un pan
que sólo el otro comía.
¡Cuántos siglos de aceituna,
los pies y las manos presos,
sol a sol y luna a luna,
pesan sobre vuestros huesos!
Andaluces de Jaén,
aceituneros altivos,
pregunta mi alma: ¿de quién,
de quién son estos olivos?
Jaén, levántate brava
sobre tus piedras lunares,
no vayas a ser esclava
con todos tus olivares.
Dentro de la claridad
del aceite y sus aromas,
indican tu libertad
la libertad de tus lomas.

Miguel Hernandez (1910-1942)
Dites-moi du fond du cœur :
Qui a fait naitre l’olivier ?
O Andalous de Jaen,
O Andalous de Jaen
Ce ne fut pas le néant,
Ni l’argent, ni le Seigneur,
Mais la terre silencieuse,
Le travail et la sueur,
Avec l’aide de l’eau pure
Et des planètes du ciel
Ils ont donné à eux trois
La beauté des troncs tordus
O Andalous de Jaen
Dites, Andalous de Jaen,
Altiers ramasseurs d’olives
Dites-moi du fond du cœur,
A qui sont ces oliviers ?
O Andalous de Jaen,
O Andalous de Jaen
 Combien de siècles d’olives
Attachés là pieds et mains
De l’aurore au clair de lune
Pèsent leur poids sur vos reins,
Jaen, dresse ton courage
Sur tes grands rochers de lune,
Tu ne vas pas être esclave
Avec tous tes oliviers !
 O Andalous de Jaen
Dites Andalous de Jaen,
Altiers ramasseurs d’olives,
Dites moi du fond du cœur,
A qui sont ces oliviers ?
O Andalous de Jaen,
O Andalous de Jaen

Trad. Pablo Pares
 http://www.pablo-pares.com/Pablo_Pares/traduction.html





Paco Ibanez, Teatro de Alcalà
Mayo de 1991





dimanche 15 juin 2014

Aragon et le grand oiseau rouge


Ainsi je t'aurai toute la vie attendue
Présente absente ailleurs ici proche et lointaine
Je t'aurai mendié de silence je t'aurai
Mangé de paroles comme une orange
J'aurai perdu ta trace une fois nuit
Une fois jour perdu ta main prise dans l'ombre
Ta merveilleuse main d'enfant enfui
Ainsi je t'aurai toute la vie attendue


Il est trop tard pour espérer enfin t'atteindre
Je n'aurai pas trouvé les mots tout
N'aura semblé qu'un murmure un étouffement de cris
Je ne t'aurai donné que ce chant avorté de moi-même
Tu n'auras pas entendu ni personne
Entendu le battement en moi de ce grand oiseau rouge
Je n'aurai donc été vers toi qu'une phrase sans fin
Il est trop tard et caetera

 


Mais même si même alors même comme
Un chien qui cherche en vain son maître et traine
Une chaine arrachée
Même sans espérance

J'arrive au bout de ce voyage au moins
Portant toujours semblable coeur sanglot semblable
J'écoute en arrière de moi sur la route
Ce bruit de toi blessé ce bruit bleu ce bruit blanc

Ce bruit bluté de blé ce bruit redoublé
De toi par où nous fûmes
Et je tends encore une fois mes bras de fumée.

Louis Aragon, Les rendez-vous,  
Choeur Accord, La Chapelle sur Erdre (44), dit. B. Quemener
Arrangements et accompagnement piano : Roland Boutilliers
Clarinette : Sophie Dehays
Accordéon : Jean-Alain Manoeuvrier
Récitant : FD
Extrait du spectacle "J'ai rêvé d'un pays…" donné le 20 mai 2000 à Capellia (La Chapelle sur Erdre)

dimanche 8 juin 2014

Pedro Mairal, Argentina

Une"Durazno"


Consumidor Final

Pedro Mairal, Consumidor final, Buenos Aires, Bajo la luna nueva, 2003.
Traduit de l’espagnol (argentin) par Julia Azaretto

Mordre l’été,
mordre le soleil entier
pour 1,80 le kilo.
Cette pêche, qui vient d’arriver à la maison
fut à peine le rêve d’un arbre caché
encouragée par l’engrais,
fut fleur et fruit vert
protégée des épidémies et des gelées
seulement par cinq pesticides,
grossie par des pluies et l’arrosage goutte à goutte,
récoltée par Pablo Luis Ojeda
originaire de Río Negro,
corps endolori qui chaque soir
s’écroule sur un matelas de mousse.
Chargée dans un camion roulant sous le ciel
cette pêche mûrit grâce au voyage,
elle arriva au marché,
traversa les mafias,
se retrouva dans une chambre froide
qui fixa sa couleur
et l’immobilisa durant quatre mois
près de San Cristóbal
en attendant que les Supermarchés Disco l’achètent,
et la livrent à la succursale 14
rayon fruits libre-service
où je l’ai choisie, mise dans le sac, fait peser
jetée dans le caddie
à côté du pain Fargo, du poulet,
près du Skip Intelligent et du fromage,
je l’ai poussée jusqu’à la caisse, où on a lu
son code-barres,
je l’ai payée, et l’ai mise dans un autre sac en plastique,
je l’ai ramenée chez moi à pied
traversant l’avenue,
longeant l’hôpital,
parmi les aveugles, les clochards, les policiers,
je l’ai montée par l’ascenseur
et sans heurts elle est arrivée au plan de travail.
Je l’ai alors libérée des deux sacs,
sous le robinet, j’ai enlevé le pesticide,
la fatigue du camion, la fumée,
la nuit endolorie de Pablo Luis Ojeda,
l’étiquette de la marque
et je l’ai mordue avec l’envie de la tuer,
je l’ai assassinée à coups de mâchoires et langue
et malgré la chimie, la distance morte,
malgré la longue chaîne d’intermédiaires
je me suis retrouvé au fond de son rêve ambré
dans cette fleur première qui parfumait le vent.